jeudi 18 décembre 2008

Appel à contributions : pour un numéro de la revue Image [&] Narrative consacré à l'œuvre de Chris Marker.

Appel à communications (articles de recherche) pour un numéro de la revue Image [&] Narrative consacré à l'œuvre de Chris Marker.


La revue électronique Image [&] Narrative (www.imageandnarrative.be) fait appel à des articles de recherche pour un numéro consacré à l'œuvre (photographique, filmique ou multimédia) de Chris Marker.


Les propositions d'articles devront être envoyées au plus tard le 31 mars 2009, les articles, le 15 août 2009, à Peter Kravanja (Université d'Anvers, Belgique ; peterkravanja@gmail.com).


Image [&] Narrative est une revue internationale et bilingue (français/anglais). Elle fait partie de la Open Humanities Press (http://openhumanitiespress.org).

Appel à communications : Journée doctorale de l’AFECCAV, le vendredi 11 septembre 2009

Journée doctorale de l’AFECCAV


Vendredi 11 septembre


Institut National d’Histoire de l’Art/Galerie Colbert


Accès : 2, rue Vivienne / 6, rue des Petits Champs, 75002 Paris



Appel à communications :

L’AFECCAV organise le Vendredi 11 septembre 2009 une journée doctorale qui aura lieu à l’Institut National d’Histoire de l’Art (INHA). Destinée à tous les doctorants dont la thèse, quelle que soit la discipline, porte en totalité ou en partie sur le cinéma, la télévision ou les nouveaux médias audiovisuels, elle a pour objectif de permettre aux jeunes chercheurs, répartis en ateliers, de présenter publiquement, sous forme d’une communication de quinze minutes, leurs recherches en cours et d’exposer les questions théoriques ou méthodologiques auxquelles ils/elles sont confrontés. C’est également l’occasion pour eux de se rencontrer et de débattre avec des enseignants-chercheurs des disciplines concernées. Des séances plénières apporteront aux doctorants des informations sur le fonctionnement de l’institution universitaire.

Les propositions de communication, d’une dizaine de lignes, devront mentionner le titre de la thèse préparée, l’université, le nom du directeur de thèse, et seront envoyées par voie postale ET courrier électronique, aux adresses suivantes :


Kira Kitsopanidou, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3,

UFR Cinéma et Audiovisuel, 13, rue de Santeuil, 75231, Paris Cedex 05


Adresses électroniques :

kira.kitsopanidou@free.fr

et

michel.marie37@wanadoo.fr


Comité scientifique : M. Marie, K. Kitsopanidou, G. Soulez


Date limite pour l’envoi des propositions : 31 mars 2009.


L’adhésion à l’AFECCAV est obligatoire pour participer à la journée doctorale.


Appel à communications : 7ème Colloque Annuel de Sorèze (Tarn) organisé les 6,7 et 8 février 2009

7ème Colloque Annuel de Sorèze (Tarn)

Laboratoire de Recherche en Audiovisuel

Université de Toulouse II le Mirail

6, 7 et 8 février 2009

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Paysans, Paysages

La part de l’audiovisuel




Tout est dans un flux continuel sur la terre.

Rien n’y garde une forme constante et arrêtée

(Jean-Jacques Rousseau in Les rêveries du promeneur solitaire)



Même rayé à mort, un simple rectangle de trente-cinq millimètres sauve l’honneur de tout le réel

(Jean-Luc Godard in Histoire(s) du cinéma)




Le paysage ne relève pas que du naturaliste, il s’insère dans une discipline plus large, celle des origines, des énergies en lutte, des conflits de toute nature, une dialectique minimale ; il n’y a pas de mort du paysage, mais une modification constante de l’étendue d’un pays où toute action de l’homme, le paysan du paysage notamment, opère des changements larges et profonds. Autrement dit, l’émergence de ces transformations est indissociable des rapports entre l’homme et la nature, qu’il s’agisse de la nature ressource et de ses connivences avec les paysans ou bien de la nature commercialisée, de la nature polluée, de la nature militarisée…

Si vous décidez de planter un arbre, et quelle qu’en soit la raison, c’est un geste qui concrétise des échanges, car il est moins nature que produit d’une nécessité vitale de nourriture, de rapports de lutte, de recherche en agronomie, de rapports économiques. Or, des arbres plantés, des arbres arrachés constellent par millions l’histoire et l’imaginaire de l’homme, avec la délimitation d’espaces singuliers, l’édification de patrimoines et des constructions mémorielles, ici comme ailleurs, en Amazonie, en Afrique…

Cependant, si les liens entre paysans et paysages sont au fondement de l’histoire et de l’identité des campagnes, qu’en est-il aujourd’hui, alors que les orientations du monde industriel semblent avoir précipité la rupture entre le paysan et le paysage ?

En effet, assujettie aux principes de rendement et de concurrence, la consommation, érigée en idéal de vie, glisse en direction d’une tragique fuite en avant jusqu’à l’apparition d’un homme sans gravité. C’est un peu l’aboutissement des propositions que faisait à la fin du XVIIIème siècle l’agronome anglais Arthur Young dans son ouvrage Le cultivateur français puisqu’il y proposait que, pour développer la société de fabriques, il faille que le plus grand nombre possible de manufactures soit maintenu par le plus petit nombre de cultivateurs possible, tout un programme de déplacements, d’exode et de transformation du paysage, avec ses lots de résistances, de drames humains, d’effacement des plis et replis du relief, de l’abandon de terre, de territoires et de défaites symboliques de la campagne au profit de la ville.

Un mouvement regardé de près parfois, par ceux (chercheurs, cinéastes, photographes, écrivains ou autres) qui ne pensent le paysage qu’en relation aux paysans, mais le plus souvent de loin par ceux qui pensent le paysage sans la main de celui qui sillonne, creuse, bâtit, enfante, circule, taille, entretient, ceux qui, dans la passion de produire pour produire, réduisent le monde à un simple objet d’exploration technique et mathématique, au risque de sombrer dans l’oubli de l’être.

Ainsi, ce colloque invite à l’exercice d’une vaste liberté d’interroger ce rapport paysan-paysage avec les images, comme outils d’investigation, aussi bien que dans les images de valorisation de la recherche ou autres qui fabriquent ou regorgent bien souvent d’excellentes munitions, selon le mot de Montaigne, pour avancer dans la connaissance de la construction identitaire socioprofessionnelle et culturelle du paysan et de l’agriculteur, du Paysage abandonné aux politiques, du Paysage repris par les paysans d’aujourd’hui, du Paysage comme témoin des mutations du métier, du Paysage ressource comme de justifications, du Temps des campagnes, du Temps des agriculteurs de la PAC, du Temps de l’environnement, ici comme ailleurs.



Il va sans dire que ce colloque sera aussi celui du paysage des chercheurs, comme rencontre avec les paysages, l’agriculture ou les paysans, séparément ou entrelacés, par le truchement de films, de photographies ou de montages sonores qui, dans les pratiques diverses des sciences sociales et autres, sont autant de segments de clarté qui apportent une contribution singulière à l’analyse rigoureuse d’un aspect du réel.

Les propositions de communications (environ 1500 signes) seront adressées à pierre.arbus@univ-tlse2.fr avant le 10 janvier 2009. La décision du comité de sélection sera notifiée en retour, étant donnée la date proche du colloque.


Appel à communication transmis par l'intermédiaire de l'AFECCAV


mercredi 12 novembre 2008

Analyse thématique : "Le geste archaïque de Peter Jackson" par Florent Christol

Fin de l’Histoire et mythe des origines : le geste archaïque de Peter Jackson



Le mythe raconte une histoire sacrée ; il relate un événement qui a eu lieu dans le temps primordial, le temps fabuleux des « commencements ». Autrement dit, le mythe raconte comment grâce aux exploits des Etres Surnaturels, une réalité est venue à l’existence, que ce soit la réalité totale, le Cosmos, ou seulement un fragment : une île, une espèce végétale, un comportement humain, une institution. C’est donc toujours le récit d’une « création » : on rapporte comment quelque chose a été produit, à commencé à être.

Mircea Eliade, Aspects du mythe



Si le mythe est bien, tel que le propose Mircea Eliade, une fiction racontant les origines (d’un peuple, d’un pays, d’une culture...), on peut sans risque affirmer que le cinéma de Peter Jackson est, depuis quelques années, hanté par les mythes. Heavenly Creatures (1994) raconte les origines d’une passion amoureuse dans une nature idyllique évoquant le jardin d’éden; Forgotten Silver (1995) défriche les racines du cinéma « primitif » à travers la figure légendaire de Colin McKenzie, réalisateur (imaginaire) des premiers films néo-zélandais; Lord of the Rings dépeint les origine d’un monde « médiéval fantastique » (les Terres du Milieu), et King Kong raconte l’incursion de la civilisation dans un monde archaïque originel (l’espace insulaire de Skull Island). En outre, nombre des personnages habitant ces films sont des artistes, des démiurges, des créateurs d’univers fantastiques (le film biblique Salomé pour McKenzie, le monde onirique de Borovnia pour les adolescentes de Heavenly Creatures). Le réalisateur interprété par Jack Black dans King Kong est le dernier né de cette lignée de personnages derrière lesquels se dessine la silhouette protéiforme de Jackson lui-même, cinéaste qui aime à s’incarner dans ses propres fictions comme pour mieux régner sur l’univers qu’il a enfanté. L’œil panoptique de Sauron dans Lord of the Rings – relais de l’oeil-caméra de Jackson dans la fiction- est sans doute la métaphore la plus limpide de ce désir de contrôle tout puissant.

Cet intérêt souligné pour les mythes est d’autant plus remarquable qu’il contraste fortement avec les sujets a priori beaucoup plus prosaïques des premiers longs métrages. Ainsi, selon un journaliste de la revue Mad Movies, « Bad Taste [1988] ne se réfère à aucun mythe, son scénario se réduit au strict minimum et ne cherche pas à faire passer de message »[1]. A mille lieues des ambitions mytho-poétiques des derniers films de Jackson, l’identité commune de l’improbable trilogie forgée par Bad Taste, Meet the Feebles (1989) et Brain Dead (1992), serait fondée sur une fascination pour le mauvais goût, un humour anarchique et scatologique, et une esthétique ignorant la demi-mesure en faveur de l’excès. Corps béants, cavités purulentes, orifices gluants et fluides excrémentiels, l’ « abject » tel que l’a théorisé Julia Kristeva constituerait leur matière première peu ragoûtante[2].

Ces excès plastiques ont été dévalorisés par une bonne partie de la critique qui n’a vu là qu’un déballage nauséabond et puéril. Selon J.P Putters, rédacteur en chef de Mad Movies, « Même si [Bad Taste] ne se moque pas ouvertement du genre, il ne peut que le faire régresser au stade pré-anal, où seules comptent les vomissures, les giclées de sang et les mutilations »[3]. Michael Atkinson, qui qualifie Heavenly Creatures de film d’auteur, ne voit dans les premiers long-métrages de Jackson qu’une simple prolongation générique des œuvres sanguinolentes d’un Sam Raimi ou d’un George Romero[4].

De toute évidence, ces films posent un problème théorique à une critique qui se trouve dans l’incapacité de les adjoindre au corpus du réalisateur sans mettre en péril son statut d’auteur, statut reposant - on le sait - sur la cohérence formelle et/ou thématique de l’œuvre en question. Faut-il dès lors se résigner à traiter ces rejetons filmiques comme des aberrations, posture revenant à s’en débarrasser comme on liquiderait un héritage trop encombrant ? Il serait facile d’adopter cette attitude, mais il nous paraît important de résister à cette tentation. Malgré les difficultés que cela suppose, nous aimerions, pour le dire avec Mircea Eliade, « comprendre la cause et la justification de ces excès. Car les comprendre, cela équivaut à les reconnaître en tant que faits humains, faits de culture, création de l’esprit – et non pas irruption pathologique des instincts, bestialité ou enfantillage» [5] . Dans cet essai, nous voudrions montrer qu’il est envisageable de réintégrer les premiers films de Jackson dans un système culturel qui leur redonne du sens. Il s’agira d’adopter des outils analytiques issus des champs de l’anthropologie afin de redonner à ces films une place dans la perspective mythique qui, on l’aura compris, nous paraît constituer la problématique majeure du cinéaste :

Il n’y a pas d’autre alternative : ou bien on s’efforce de nier, minimiser ou oublier de tels excès, en les considérant comme des cas isolés de « sauvagerie » […] ; ou bien on se donne la peine de comprendre les antécédents mythiques qui expliquent, justifient des excès de ce genre […]. C’est uniquement dans une perspective historico-religieuse que des conduites pareilles sont susceptibles de se révéler en tant que faits de culture et perdent leur caractère aberrant ou monstrueux de jeu enfantin ou d’acte purement instinctif[6].

Si les excès plastiques du cinéma de Jackson s’avèrent incompréhensibles observés à travers le prisme étroit de la vision profane et « moderne », ils s’inscrivent en revanche parfaitement dans le système archaïque et rituel du carnaval analysé par Mikhaïl Bakhtine dans son ouvrage séminal sur la fête chez Rabelais[7].



Une esthétique carnavalesque



Les trois premiers films de Peter Jackson mobilisent la quasi totalité des motifs carnavalesques répertoriés par Bakhtine. Prégnance du rire[8], configuration insulaire[9], schèmes du démembrement[10], motifs de l’avalement[11], de l’excrément[12], hybridité chimérique[13], astrologie[14], licence sexuelle[15] et masque[16], constituent les principales figures carnavalesques jonchant le cinéma de Jackson. De la même façon, l’effet gore, qui a pour vocation d’investir le cadre et le saturer par du sang et des entrailles, est une constante plastique des premiers films du réalisateur qui participe pleinement de l’esthétique excessive de la fête. En vieil anglais gor signifie saleté, excrément. Or, l’excrémentiel constitue l’un des principaux pôles esthétiques et sémiologiques du carnaval[17]. Participant de ce que Bakhtine appelle le « bas corporel » et qui, privé de son contexte festif, devient « abject », l’excrément est au cœur des stratégies de rabaissement du « réalisme grotesque ». Comme l’écrit Bakhtine,

en rabaissant, on ensevelit et on sème du même coup, on donne la mort pour redonner le jour ensuite, mieux et plus. Rabaisser, cela veut dire faire communier avec la vie de partie inférieure du corps, celle du ventre et des organes génitaux, par conséquent avec des actes comme l’accouplement, la conception, la grossesse, l’accouchement, l’absorption de nourriture, la satisfaction de besoins naturels. Le rabaissement creuse la tombe corporelle pour une nouvelle naissance, d’où tout croît à profusion[18].

Dans Brain Dead, la mort et la vie ne constituent pas des pôles antagonistes mais sont au contraire envisagées dans un rapport de continuité, tous les invités contaminés par la mère monstrueuse du protagoniste renaissant sous forme de zombies. Chez Jackson, pourrait-on dire, rien de plus vivant qu’un mort !

Le réalisateur incorpore également au sein de son mode de représentation des formes archaïques et classiques de spectacles carnavalesques populaires. Meet the Feebles, avec ses poupées mécanisées, descend en droite ligne du théâtre des marionnettes. La manière dont Derek (Peter Jackson) se recolle le crâne après avoir chuté du haut d’une falaise dans Bad Taste évoque, quant à elle, la tradition de la pantomime. Dans cette forme de spectacle venant du théâtre grec et qui connut une fructueuse descendance italienne (La Commedia dell’arte), les souffrances physiques sont transformées en spectacle comique. De façon plus générale, la représentation hyperbolique des scènes de violence chez Jackson doit beaucoup à la pratique carnavalesque de la bastonnade évoquée par Bakhtine. Dans celle-ci, l’intensité des coups portés est contrebalancée par la présence toute aussi vigoureuse du rire. Cet alliage permanent du comique et de l’horreur inscrit le cinéma de Jackson dans une tradition carnavalesque en totale conformité avec les canons du grotesque envisagés par John Ruskin[19].


L’abolition des frontières


Les motifs carnavalesques diégétiques irriguent formellement le cinéma de Jackson, entraînant des effets de contamination (inhérent à la nature grotesque de son matériel) affectant la réalisation. Le paradigme insulaire noté plus haut travaille ainsi l’appareil énonciatif des films; chaque plan, bien qu’inséré dans un enchaînement narratif inévitable, constitue dans le même temps une configuration quasi-autonome de par le primat accordé par Jackson à l’aspect monstratif de sa mise en scène. D’une certaine manière, on pourrait dire que chaque film de Jackson raconte toujours deux histoires, une histoire « officielle » véhiculée par la narration, et une histoire « officieuse » se déroulant à la surface de l’image, histoire expérimentale tendant vers l’abstraction plastique (le travail du cinéaste sur le gore en tant que matière poétique n’a d’égal que la geste d’un Lucio Fulci en Italie).

Pour Serge Daney, le moment maniériste du cinéma, c’est quand « il n’arrive plus rien aux humains, c’est à l’image que tout arrive »[20]. Peter Jackson constitue dès lors l’opposé absolu d’un cinéaste maniériste. En détournant la formule de Daney on pourrait dire que, dans les films de Jackson, tout arrive à l’image parce que tout arrive aux personnages. Ainsi, le « clou » du spectacle donné par la troupe de comédiens à la fin de Meet the Feebles est constitué par l’apparition du lapin vedette qui, arrivé au sommet d’une carotte géante, se met soudain à vomir abondamment sur ses comparses, remplissant le cadre jusqu’à saturation. Cette scène constitue une sorte de manifeste carnavalesque du cinéma de Jackson et révèle le modus operandi de son système figuratif : dans ce que l’on pourrait nommer la « trilogie grotesque » de Jackson, on ne quitte jamais le cadre sans l’avoir au préalable rempli, ou plutôt sans que les figures qui y pénètrent ne se soient littéralement vidées en lui. D’où l’importance accordée au motif du récipient dans lequel est évacué ce trop plein débordant les corps. Dans Bad Taste, c’est le verre qui recueille le sang d’un zombie, le crâne contenant la cervelle que mange Derek à l’aide d’une cuiller, et le bol où les zombies viennent vomir dans le final rabelaisien; c’est aussi la cave dans laquelle le héros de Brain Dead enferme les morts-vivants récalcitrants. Mais aucun récipient ne saurait suffire, car le système figuratif du cinéma de Jackson fonctionne sur le principe des poupées russes. Le corps même des zombies sert de récipient à un liquide qui ne demande qu’à s’épancher, à l’instar du fluide verdâtre jaillissant du corps en décomposition de la mère dans Brain Dead, dans la séquence se déroulant chez le médecin légiste.

En figurant l’espace souterrain des coulisses, espace orgiaque où sont tournés des films pornographiques, Meet the Feebles constitue une fascinante réflexion sur le fonctionnement festif du cinéma de Jackson. Le monde en apparence lisse et « sérieux » où les « Feebles » se donnent en spectacle se tisse d’une doublure carnavalesque, véritable négatif (au sens filmique du terme) du monde de la surface. Mais la frontière en apparence étanche entre les coulisses (espace carnavalesque) et la scène est brouillée, l’énergie carnavalesque dépensée de façon souterraine remontant progressivement à la surface pour infecter tout le film qui adopte rapidement la forme hyperbolique et excessive caractérisant le mode pornographique.

En sollicitant le dégoût et la fascination du spectateur, le cinéma de Jackson envisage le corps de ce dernier comme prolongement organique d’un corps filmique travaillé par l’abject. A travers ce relais, le cinéma de Jackson mine la frontière entre spectacle et spectateur, retrouvant par là l’une des caractéristiques majeures du carnaval. Comme l’explique Bakhtine,

Le carnaval ignore toute distinction entre acteurs et spectateurs. Il ignore aussi la rampe, même sous sa forme embryonnaire. Car la rampe aurait détruit le carnaval (et inversement, la destruction de la rampe aurait détruit le spectacle théâtral). Les spectateurs n’assistent pas au carnaval, ils le vivent tous, parce que, de par son idée même, il est fait pour l’ensemble du peuple. […] Pendant toute la durée du carnaval, personne ne connaît d’autre vie que celle du carnaval. Impossible d’y échapper, le carnaval n’a aucune frontière spatiale[21].



Répression coloniale et tabula rasa


Barbara Creed a montré comment les films de Peter Jackson dénonçaient à leur manière les mesures répressives exercées par l’Empire britannique sur les colonies néo-zélandaises[22]. Cet écroulement des limites et ces débordements abjects qui provoquent le pourrissement de l’univers ordonné des banlieues (microcosme bourgeois) dans la « trilogie grotesque » de Jackson ne seraient alors que le résultat logique d’un trop plein de limites, comme une cocotte-minute explosant sous l’effet de la pression.

Ce lien entre répression coloniale et esthétique déliquescente est parfaitement illustré dans Brain Dead où la mère du protagoniste, qui habite une maison de style colonial, se transforme en un monstrueux zombie au contact d’un singe indigène. Peu de temps avant sa transformation elle demande à son fils d’entretenir la pelouse, c’est-à-dire d’assurer l’homogénéité et l’intégrité d’un espace préservé par une clôture. Sur un plan symbolique, une clôture délimite toujours une frontière entre une zone pure et une zone impure. Cette logique binaire se trouve subvertie à la fin du film lorsque le héros démembre des zombies à l’aide d’une tondeuse à gazon, transformant un espace « profane » en un espace abject et carnavalesque rempli de membres épars. Dans l’atmosphère du carnaval, écrit Bakhtine, « la liesse, les danses et la musique s’accordaient parfaitement avec l’abattage du bétail, les corps dépecés, les entrailles, les excréments et autres éléments du « bas » matériel et corporel »[23]. L’abject et, de façon plus générale, les schèmes carnavalesques, participent dans cette perspective d’une stratégie plastique et politique visant à résister aux phénomènes de clôture caractérisant l’esthétique bourgeoise[24].

Dans les premiers films de Jackson, la mère incarne toujours l’héritage biologique et culturel qu’il faut liquider pour envisager l’avenir. Bad Taste démarre de manière très significative par un gros plan sur un portrait de Victoria, la « reine mère » de l’Empire britannique. La mère de Brain Dead est un monstre psychologique et physiologique. Exploitation fictionnelle d’un fait divers ayant défrayé la chronique néo-zélandaise, Heavenly Creatures raconte un matricide. L’obsession du cinéaste pour cette thématique est révélatrice et sous-tend un projet que l’on devine mythique. Avoir une mère, c’est venir inévitablement après, position à laquelle se refusent les personnages des films de Jackson. Opérer un matricide, acte d’une portée symbolique immense, c’est annuler la secondarité (la descendance biologique) et se replacer à l’origine, c’est-à-dire dans le temps fabuleux des « commencements » dont parle Eliade.

Le motif du matricide permet d’éclairer la fonction de la trilogie grotesque au sein de l’œuvre de Jackson. Encore faut-il avoir présent à l’esprit le mode opératoire de la fête, dont le carnaval est une manifestation majeure. La fête, rappelons-le, fonctionne en deux phases, une phase eschatologique mettant en scène la destruction du monde et une phase de régénération (phase mythique) [25]. Dans le régime festif du cinéma de Peter Jackson, la « trilogie grotesque » correspond à la phase chaotique, préparant le terrain pour les films à venir qui eux, on l’a vu, se chargeront de recréer un monde mythique. Gigantesque entreprise de liquidation, la trilogie se charge de régler la question de la table rase en convoquant une esthétique chaotique ayant pour objectif d’anéantir les résidus pourrissants du passé colonial de la Nouvelle-Zélande. Avec un peu de recul, l’œuvre de Jackson prend des allures de batterie géante que l’on aurait d’abord vidée entièrement (la trilogie grotesque) pour mieux la recharger par la suite (les films racontant des histoires « mythiques » et se chargeant de repeupler ce monde).

Faire table rase permet à Jackson de sortir - symboliquement - de cette Histoire honteuse dont les personnages portent les stigmates physiques, de l’annuler, c’est-à-dire de réparer les erreurs de l’Histoire. Mais pour être totalement efficace et signifiante, pour ré-instaurer du sens, cette esthétique apocalyptique doit avoir une valeur « sacrée », et pour cela doit entrer en résonance avec les puissances originelles du mythe. Or, les figures hyperboliques et festives convoquées par Jackson dans sa trilogie carnavalesque sont loin d’être « profanes » et insignifiantes ; elles se font en effet le véhicule des formes mythiques du cinéma des origines.



Le cinéma des origines : matrice et modèle mythique


Si les références génériques explicites du cinéma de Jackson sont à chercher du côté du burlesque (les acrobaties du nourrisson monstrueux de Brain Dead renvoient directement aux péripéties des Three Stooges et de Buster Keaton), en revanche ses racines souterraines vont puiser chez les cinéastes des premiers temps, en particulier dans l’œuvre matricielle de George Méliès, dont l’art « primitif, à mi-chemin de la magie, porte en gestation le devenir de toutes les formes »[26]. « Sans ancêtres, écrivent Olivier Joyard et Jean-Marc Lalanne, donc sans pression venue de l’histoire des formes, producteur et créateur de ses produits, Méliès a eu le privilège d’être à la fois une avant-garde et un centre à lui-seul »[27]. De par sa place primordiale dans l’Histoire du cinéma - Histoire qu’il a contribué à initier - Méliès apparaît bien comme le démiurge fondateur, l’ancêtre mythique à l’origine de la plupart des formes cinématographiques. La matière informelle et « magique » de son œuvre (rappelons que Méliès était au départ un magicien/prestidigitateur) évoque le temps mythique des origines, ce « lieu idéal des métamorphoses et des miracles » dont parle Eliade : « Rien n’était encore stabilisé, aucune règle encore édictée, aucune forme encore fixée. Ce qui, depuis lors, est devenu impossible était encore faisable. Les objets se déplaçaient d’eux-mêmes, les canots volaient par les airs, les hommes se transformaient en animaux et inversement. Ils changeaient de peau au lieu de vieillir et de mourir. L’univers entier était plastique et fluide et inépuisable »[28]. L’analogie entre la fluidité plastique de l’espace mythique et les formes du cinéma de Méliès est frappante. Pour Stéphane Delorme, « Méliès est moins proche historiquement de Jules Vernes que du monde en perpétuelle métamorphose de Lewis Carrol. Les objets sont animés, l’espace se dérobe, la taille n’est jamais acquise » [29]. Le critique souligne également la dimension démiurgique de l’auteur qui crée de la « matière cinématographique » à partir de rien, comme par enchantement : « Quels sont les effets d’apparition, les trucs, les clous dont raffole notre diable ? Il y a d’abord l’apparition pure et simple qui peut prendre deux formes : ou bien la substitution brutale d’un corps à un autre […] ou bien la naissance ex-nihilo, auquel cas le plus grand nombre d’objets peut surgir d’un espace exigu, chapeau ou « carton fantastique » » [30]. Cette notion de création « ex-nihilo » rappelle la définition du mythe placée en exergue de notre travail.

Si l’on accepte le postulat théorique faisant de Méliès l’équivalent cinématographique des Etres Surnaturels des mythes d’origine, on comprend à quel point son œuvre a pu constituer une référence mythique pour l’oeuvre de Jackson, un modèle « sacré » avec lequel les films du cinéaste dialoguent à travers une transfusion de motifs et de configurations spectaculaires. Le cinéma de Jackson partage avec celui de Méliès ce désir proprement démiurgique de remplir le cadre jusqu’à saturation, comme dans Le Locataire diabolique, où un espace vide se remplit au fur et à mesure que le personnage déballe divers objets d’une malle proprement inépuisable. Analogue à cette dernière, l’œuvre originelle de Méliès constitue un réservoir de formes installé en amont du cinéma de fiction, réservoir dans lequel beaucoup puiseront sans jamais l’épuiser. Parmi ces formes se trouvent celles qui devaient irriguer le film d’horreur américain des années 70-80, le gore et le splatter, et qui constituent l’essence même de l’esthétique des premiers films de Jackson.



Le gore comme transfusion mythique


Si Méliès ne peut être qualifié d’ancêtre du gore que dans un sens très large[31], en revanche il peut-être légitimement crédité comme inventeur de l’effet splatter[32]. “To splatter” signifie « éclater », « gicler », « exploser », et traduit l’idée d’un mouvement violent, rendant compte d’un phénomène de projection et d’éclaboussement. Bien qu’elle ait été régulièrement mobilisée par les tenants de la modernité cinématographique (voir Fury de Brian DePalma ou Scanners de David Cronenberg), la forme splatter n’est pas une forme moderne. Il s’agit, bien au contraire, d’une forme archaïque régulièrement exploitée par Méliès, entre autre dans L’homme à la tête de caoutchouc (1902) dont le protagoniste, qui détache sa tête et la gonfle jusqu’ à ce qu’elle explose, annonce le personnage de Derek dans Bad Taste.

Là où le gore du cinéma américain des années 1970 est une matière dégénérescente, symptôme limpide d’un pays dont les fondations idéologiques sont en pleine déliquescence, le gore convoqué par Méliès et - corrélativement - celui de Jackson, est une matière carnavalesque, qui n’a pas pour but d’effrayer mais de faire rire. « Dans le prologue à l’explication de son fameux numéro Le Décapité récalcitrant, écrit Phillipe Rouyer, Méliès précise d’ailleurs qu’il a toujours veillé à rendre plus burlesques que terrifiantes les diverses mutilations physiques qu’il a mises en scène »[33]. Au delà de ses ressources comiques, le gore de Peter Jackson est donc moins le symptôme d’un épuisement générique (le film gore est souvent montré du doigt comme signalant la décadence du film d’horreur) que l’expression d’un désir de revenir à l’esthétique archaïque du cinéma primitif.

Cette répétition de formes archaïques installe le cinéma de Jackson dans un rapport mythique avec le cinéma des origines. Selon Mircea Eliade, dans les sociétés primitives on peut échapper à l’Histoire et corriger ses erreurs en répétant les mythes fondateurs :

[…] en récitant ou en célébrant le mythe de l’origine, on se laisse imprégner de l’atmosphère sacrée dans laquelle se sont déroulés ces événements miraculeux. Le temps mythique des origines est un temps « fort », parce qu’il a été transfiguré par la présence active, créatrice des Etres Surnaturels. En récitant les mythes on réintègre ce temps fabuleux et, par conséquent, on devient en quelque sorte « contemporain » des évènements évoqués, on partage la présence des Dieux ou des Héros[34].

Si pour les sociétés primitives, il s’agit de réintégrer le temps fabuleux des origines, dans le cas de Jackson il s’agit de parcourir à rebours l’Histoire du cinéma jusqu’à atteindre une forme originelle, première. Le projet plastique des premiers films de Jackson tient dans ce désir de remplacer une ascendance biologique et culturelle (impériale et colonisatrice) par une ascendance filmique formelle. Ce projet vient justifier certains choix de mise en scène, d’articulation narrative ou de ponctuation qui peuvent paraître au premier abord naïfs ou gratuits. Héritage de la syntaxe du cinéma muet, l’iris est ainsi utilisé comme marque de clôture dans Bad Taste. « L’utilisation d’un procédé narratif aussi obsolète, écrit Michel Etcheverry, s’explique par le désir de revenir aux possibles d’un cinéma des origines : le muet est perçu non seulement comme la source de toute forme d’expression cinématographique, mais également comme une forme de mythe originel auquel on ne cesse de se référer »[35].



Le mythe de l’éternel retour


Selon Mircea Eliade, « Ne sont « profanes » que les activités qui n’ont pas de signification mythique, c’est-à-dire qui manquent de modèles exemplaires »[36]. En convoquant des formes cinématographiques archaïques, le cinéma de Jackson s’inscrit dans un réseau mythique. Au moment où le cinéma de genre plonge massivement dans des stratégies parodiques (le maniérisme et plus généralement, le post-modernisme, modes éminemment nostalgiques), le cinéma de Peter Jackson revient aux formes des premiers récits racontés par les grands anciens (Méliès, Buster Keaton, etc.) dont les actes fondateurs se déroulaient in illo tempore (Elliade). Le cinéma de Jackson est habité par une mentalité archaïque, en cela qu’elle est soumise à la nécessité d’un éternel retour des formes filmiques originelles :

Au niveau des civilisations « primitives », tout ce que l’homme a fait a son modèle transhumain ; même en dehors du Temps « festif », ses gestes imitent les modèles exemplaires fixés par les dieux et les Ancêtres mythiques. Mais cette imitation risque de devenir de moins en moins correcte ; le modèle risque d’être défiguré ou même oublié. Les réactualisations périodiques des gestes divins, les fêtes religieuses, sont là pour réapprendre aux humains la sacralité des modèles[37] .

Comme pour les sociétés primitives, la répétition des modèles mythiques permet à Jackson de « remettre les compteurs à zéro ». Revenir à Méliès consiste à revenir au bon modèle qui détient l’essence et la vérité du cinéma.

Ce processus de retour à l’origine est illustré sur un plan diégétique par l’omniprésence de scènes de régression in utero. Dans Bad Taste, Derek se fraie un chemin à travers le corps d’un alien et s’en extraie, dans une séquence de résurrection particulièrement gore. Au terme de son parcours régressif, il s’exclame : « Je suis né à nouveau ». A la fin de Brain Dead, le ventre gargantuesque de la mère s’entrouvre pour dévorer le héros, séquence qui, au sein du projet mytho-poétique du cinéma de Jackson, prend des résonances symboliques évidentes. On l’a vu, le programme du réalisateur consiste, dans ses premiers films, à liquider la mère symbolique dont le corps purulent constitue une métonymie de l’empire britannique dégénérescent, et à retrouver la véritable matrice, le réceptacle mythique constitué par le cinéma des origines. On trouve donc dans Bad Taste et Brain Dead une opposition entre « mauvaise » mère (la reine Victoria) et « bonne » mère (la matrice formelle constituée par les films des cinéastes « primitifs », Méliès en tête). Le retour au cinéma archaïque de Méliès équivaut à un retour dans le ventre symbolique de la matrice, univers fluide du mythe où rien n’était encore formé. « Le cinéma, écrit Edgar Morin, est comme une sorte de grande matrice archétypique, qui contient en puissance embryogénétique toutes les visions du monde. D’où son analogie avec la vision mère de l’humanité (conception archaïque du monde) ».[38]

Si Bad Taste, Meet the Feebles, et Brain Dead ne font effectivement allusion à aucun mythe (voir notre point de départ), c’est parce que le mythe dans les premiers films de Peter Jackson n’est pas véhiculé sur le mode de la référence diégétique mais sur le mode de la contamination formelle. Plutôt que de proposer un discours sur les mythes, ces films se présentent plus radicalement comme des films « néo-archaïques », comme on parle de « néo-gothique » ou de « néo-noir ». On pourrait appliquer au cinéma de Jackson la distinction que Nietzche établie entre le principe « apollinien » et le principe « dionysiaque »[39]. Si les derniers films de Jackson sont apolliniens (il s’agit de représenter diégétiquement un monde des origines), ses premiers sont dionysiaques (il s’agit de filmer le monde en retrouvant les techniques à l’origine du cinéma). Des films ivres, en somme.



Conclusion


En observant le projet mytho-poétique du cinéma de Peter Jackson, on ne peut s’empêcher de songer aux réflexions de Mircea Eliade devant le travail apocalyptique de certains peintres avant-gardistes :

En contemplant certaines œuvres récentes, on a l’impression que l’artiste a voulu faire tabula rasa de toute l’histoire de la peinture. C’est plus qu’une destruction, c’est une régression au Chaos, à une sorte de massa confusa primordiale. Et pourtant, devant de telles œuvres, on devine que l’artiste est à la recherche de quelque chose qu’il n’a pas encore exprimé. Il lui fallait réduire au néant les ruines et les décombres accumulés par des révolutions plastiques précédentes ; il lui fallait arriver à une modalité germinale de la matière, afin de pouvoir recommencer à zéro l’histoire de l’art[40].

Après un retour au chaos aussi définitif que celui auquel nous convient les premiers films de Peter Jackson, tout paraît possible, même le recommencement. Car le chaos, Jackson le sait bien, n’est qu’une étape du mythe. Il ne restait plus au cinéaste démiurge qu’à remplir son cadre vide de figures fantastiques, et à bâtir l’univers archaïque qui abriterait le monstre ancestral de Skull Island, la cité perdue de Salomé, et les sombres forteresses de Mordor. C’est à cette tâche herculéenne qu’allait s’atteler le réalisateur de Lord of The Rings, trilogie « mythologique » qui résonne comme une réponse sublime à la question posée par les premiers films de Jackson : peut-on re-créer le monde ? De Méliès à Gandalf, d’un magicien l’autre, Peter Jackson, fidèle au souffle mythique présidant au devenir de son œuvre, fait dialoguer la modernité et l’origine, instaure des ponts entre les deux temporalités et, ce faisant, boucle la boucle.



Florent Christol

Novembre 2008



[1] Mad Movies n° 55, p. 42

[2] Afin d’être accepté dans l’ordre symbolique, le sujet doit se différencier des autres corps en rejetant tout ce que la culture dans laquelle il est immergé perçoit comme sale, désordonné, ou antisocial. Ce processus est nommé abjection et toute la matière impure que le sujet rejette constitue l’abject. Kristeva développe sa théorie dans Pouvoirs de l’horreur : essai sur l’abjection, Essais Points, Ed. du Seuil, Paris, 1980.

[3] Mad Movies n° 55, p. 42.

[4] Michael Atkinson, “Hearthly Creatures,” Film Comment, volume 31, n° 3, Mai/Juin 1995.

[5] Mircea Eliade, Aspects du mythe, Gallimard, Folio essais, 1963, p. 14.

[6] Id., p. 14.

[7] Mikhaïl Bakhtine, L’œuvre de François Rabelais et la culture populaire au moyen age et sous la renaissance, Tel Gallimard, Paris, 1970.

[8] Si l’horreur constitue l’un des pôles génériques manifestes du cinéma de Jackson, le burlesque en constitue son envers explicite, les deux genres se mêlant en un cocktail générique hybride et grotesque.

[9] Le topos de l’île est présent chez Jackson de manière littérale à travers le décor fourni par la Nouvelle Zélande où sont filmées ces fictions, de manière diégétique (l’île où les explorateurs découvrent le singe-rat au début de Brain Dead), mais aussi de manière métaphorique à travers des dispositifs scéniques isolant certains personnages (comme la scène de music-hall dans Meet the Feebles).

[10] Dans Bad Taste, un alien est démembré par une tronçonneuse. Au début de Brain Dead on ampute la main et le bras d’un explorateur mordu par un singe. Le final anthologique du film voit le héros bardé d’une tondeuse déchiqueter des hordes de zombies voraces.

[11] « Mr. Big » dans Meet the Feebles est une gueule géante vivant dans les profondeurs souterraines et dévorant tout ce qui tombe à sa portée.

[12] La mouche se nourrissant d’excrément dans Meet the Feebles.

[13] Le bébé mi-éléphant, mi-poule dans Meet the Feebles.

[14] La cartomancienne dans Brain Dead prédit l’avenir des protagonistes.

[15] La copulation frénétique du prête et de l’infirmière dans Brain Dead.

[16] Dans Bad Taste, le personnage interprété par Peter Jackson se fait un masque avec le visage d’un alien.

[17] « Le caractère ambivalent des excréments, leur lien avec la résurrection et la rénovation et son rôle particulier dans la victoire sur la peur apparaît ici très clairement. C’est la matière joyeuse. […] les excréments ont la valeur de quelque chose à mi-chemin entre la terre et la corps, quelque chose qui les apparente. Ils sont aussi quelque chose à mi-chemin entre le corps vivant et le corps mort en décomposition, qui se transforme en bonne terre, en engrais ; le corps donne les excréments à la terre pendant la vie ; les excréments fécondent la terre, comme le corps du mort », Bakhtine, op. cit., p. 178.

[18] Bakhtine, id., p. 30.

[19] « […] il me semble que le grotesque est, presque dans tous les cas, formé de deux éléments, l’un risible, l’autre effrayant ; que l’un des deux éléments prévale et le grotesque tend soit vers sa branche amusante, soit vers sa branche terrifiante ; mais il est difficile de l’envisager hors de ces deux dimensions car il n’y a guère de grotesque qui, à un certain degré, n’offre la combinaison des deux éléments », John Ruskin, cité par Denis Mellier, L’écriture de l’excès, fiction fantastique et poétique de la terreur, Honoré Champion, Paris, 1999, p. 238.

[20] Serge Daney, Ciné-Journal volume 1/1981-1982, Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma, 1998, p. 181. Nous remercions vivement Michel Etcheverry de nous avoir indiqué cette référence.

[21] Bakhtine, op. cit, p. 15.

[22]Voir l’article de Barbara Creed « Bad Taste and antipodal inversion: Peter Jackson’s colonial suburbs » Postcolonial Studies: Culture, Politics, Economy, Volume 3, Number 1, 1 Routledge, April 2000 , pp. 61-68(8).

[23] Bakhtine, op. cit., p. 225

[24] Sur le rapport entre marques de cloisonnement et idéologie bourgeoise, voir Jack Morgan, The Biology of Horror : Gothic Literature and Film, Southern Illinois University Press, 2002.

[25] Voir Mircea Eliade, Le sacré et le profane, Folio Essais, Paris, 1965.

[26] Jean-Marie Sabatier, Les Classiques du cinéma fantastique, Balland, Paris, 1973, p. 266.

[27] « Cent ans de Méliès » par Olivier Joyard et Jean-Marc Lalanne, Les Cahiers du cinéma, n° 569, Juin 2002, p. 73.

[28] Roger Caillois, L’homme et le sacré, op. cit., p.137.

[29] « Le cinéma retrouvé : George Méliès ou l’apparition du cinéma », Stephane Delorme, Cahiers du cinéma, N°569, Juin 2002, p. 71.

[30] Id., p. 71.

[31] « Georges Méliès serait-il l’héritier du Grand-Guignol ? […] si le motif de la décapitation et de l’animation de têtes ou de membres disloqués revient de manière obsédante dans son œuvre (cf. Un homme de têtes, La Vengeance du gâte-sauce, Nouvelles Luttes extravagantes, Le Bourreau turc), tous ces prodiges sont réalisés dans la bonne humeur et sans effet grand-guignolesque », Phillipe Rouyer, Le cinéma gore, une esthétique du sang, Editions du Cerf, Paris, 1997, p. 24

[32] Terme créé par Kevin McCarthy dans Splatter Films, Breaking the Last Taboo on the Screen, New York, St Martin’s, 1984.

[33] Phillipe Rouyer, op. cit., p. 24.

[34] Eliade, Aspects du mythe, op. cit., p. 31-32

[35] Michel Etcheverry, « Le mort amoureux en son théâtre », in Dracula Stoker/Coppola, ed. Gilles Ménégaldo, Dominique Sipière, Ellipes, 2005, p. 306.

[36] Mircea Eliade, Le Mythe de l’éternel retour, Gallimard, Paris, 1969, p. 41. Nous soulignons

[37] Mircea Eliade, Le sacré et le profane, Folio Essais, Paris, 1965, p. 78.

[38] Edgar Morin, Le cinéma ou l’homme imaginaire, Les éditions de Minuit, Paris, 1950, p. 74.

[39] Fredrich Nieztche, Naissance de la tragédie, Folio Essais, Gallimard, Paris, 1977.

[40] Mircea Eliade, Aspects du Mythe, op. cit., p. 9.