Dionysos en ‘69 : Le film d’horreur américain moderne
ou la « fête qui tourne mal »
« Il avait disparu, et voici que de nouveau il est là »
-Walter F. Otto, Dionysos, le mythe et le culte
Dionysos… Le Seigneur de la discorde des antiques carnavals, le dieu de la fête, de l’ivresse et du chaos libérateur, est une figure profondément ambivalente, à la fois semblable et altère, proche et lointaine ; il a toujours été là, pourtant il semble toujours sur le point d’arriver. Dionysos est l’étranger, le forain, qui s’installe en ville pour fasciner, enivrer, mais aussi pour défamiliariser, transformant l’un en l’Autre, semant effroi et folie sur son passage. Nombre de mythes archaïques font de lui le dieu de la fureur homicide et de la sauvagerie démente. Cette dualité n’a cessé de surprendre les anthropologues :
Lui, le dieu nourricier et le dieu sorcier, lui, le dispensateur à jamais loué du vin […] ; lui, le libérateur et le salutaire […], « le délice des mortels » […], le danseur et l’amoureux extatique […], le « bienfaiteur » […] – de tous les dieux le plus enchanteur, est en même temps le plus redoutable. Les épithètes d’aucun autre dieu n’approchent les siennes en horreur, ne témoignent d’une aussi impitoyable sauvagerie, et l’on doit évoquer le souvenir de l’horreur monstrueuse des ténèbres éternelles pour trouver quelque chose qui soit à peu près comparable. On l’appelle le « déchireur d’hommes » […], « le mangeur de chair crue » […]. non seulement nous entendons parler de sacrifices humains dans son culte, mais aussi du rite effroyable du démembrement d’un homme.
C’est sous ces traits terrifiants, ceux de Bromios, le Frémissant, le Mugissant, le forcené, qui attire les ménades sur les cimes escarpées des montagnes pour les transformer en furies meurtrières, que le dieu apparaît dans Dionysus in 69’ (Brian De Palma, 1969), adaptation des Bacchantes d’Euripide. Dans cette fameuse tragédie grecque racontant le lynchage de Penthée aux mains d’une foule en furie, une bacchanale démarre dans la joie et l’exultation pour se terminer en bain de sang. Selon René Girard, « La tragédie des Bacchantes, c’est d’abord la fête qui tourne mal ».
La dynamique chaotique qui préside à la bacchanale dionysiaque des Bacchantes traverse ainsi, selon des modalités diverses, de nombreux films d’horreur des années 60-70. Etant donné l’importance culturelle et économique du genre dans la société américaine des sixties et des seventies, la représentation obsédante de la fête qui tourne mal dans le film d’horreur constitue sans aucun doute l’un des faits culturels majeurs de la fin du siècle dernier. Pour rendre compte de celui-ci, nous mobiliserons le concept de « crise sacrificielle » élaboré par René Girard. L’auteur de La Violence et le sacré voit en effet dans la bacchanale dionysiaque le modèle transfiguré de la crise mimétique qui fonde son travail sur les mythes archaïques.
Fête, violence, sacrifice
Selon René Girard, en l’absence de véritables systèmes judiciaires, les communautés « primitives », régulièrement déchirées par des crises de rivalités mimétiques dans lesquelles régnaient l’indifférenciation et la violence réciproque, n’avaient pas d’autre solution pour mettre fin au conflit que de lyncher un bouc émissaire qui différait physiquement ou mentalement du groupe, et pouvait donc être rendu responsable de la « crise mimétique ». La victime, innocente, mais accusée de tous les maux et donc perçue comme un monstre réellement coupable, servait d’exutoire à la violence du groupe. Ce lynchage donnait naissance à des récits (les mythes) qui se chargeaient de transmettre de génération en génération le souvenir de cet événement qui avait, comme par magie, fait d’un groupe d’individus violents une communauté apaisée. Pour avoir ramené la paix, le bouc émissaire prenait rapidement des traits surnaturels et divins.
Voyant comme par miracle la paix revenir dans la communauté, les lyncheurs ne pouvaient pas ne pas voir dans le lynchage un acte bénéfique (l’effet sacré par excellence) et qu’il s’agissait donc de réitérer à intervalles réguliers afin de reproduire, en temps de crise ou afin de prévenir tout futur conflit, la catharsis apaisante et régénératrice. C’était la fonction du rituel sacrificiel, simulacre de la crise mimétique visant à reproduire une mise en désordre de la communauté afin de rétablir l’ordre par le sacrifice programmé d’un bouc émissaire choisi parmi les tranches marginales de la population (enfant, difforme, déficient mental, prisonnier de guerre qui séjournait quelque temps au sein du groupe, ou animal domestiqué pour l’occasion).
Le sacrifice rituel serait, selon Girard, à l’origine de la fête telle qu’elle apparaît au début des Bacchantes et telle qu’elle est aujourd’hui comprise dans son acception moderne. En effet, pour que le rite ait des vertus cathartiques, encore fallait-il que la société renonce provisoirement à ses interdits et replonge momentanément dans la violence de la crise originelle. Afin de faciliter le retour de l’indifférenciation, de la frénésie, du chaos de la crise mimétique, et susciter l’émergence d’humeurs belliqueuses (le but de la manœuvre étant de mener une communauté entière à commettre un meurtre en toute impunité), la cérémonie sacrificielle encourageait l’usage de drogues, de boissons, et l’écroulement de tous les tabous (sexuels entre autre). L’atmosphère qui régnait était proprement carnavalesque, la foule lynchant le bouc émissaire dans un état second, proche de la transe, réduisant le risque d’éprouver de la culpabilité au réveil. Difficile de croire aujourd’hui à ce lien entre fête et violence sacrificielle, pourtant les fêtes dionysiaques se terminaient bien par la torture et le massacre rituels d’un bouc émissaire humain dans l’Athènes du V° siècle avant J.C. A mesure que cette crise artificielle était répétée, la fête qui, au départ, n’était qu’un prologue au sacrifice, prenait progressivement plus d’importance et finissait par devenir l’argument principal de cette manifestation culturelle à laquelle toute la communauté prenait part. L’effervescence de la fête se chargeait d’épuiser les corps et de les vider de leurs énergies velléitaires, prévenant de la sorte les irruptions incontrôlées de la violence non ritualisée. Toutefois, la coutume du lynchage se poursuivait à travers la mise à mort d’une représentation symbolique. Comme l’écrit Charles Ramond,
Les fêtes de Carnaval, les fêtes en général, sont interprétées par Girard comme des échos lointains mais perceptibles de cette crise mimétique et de sa résolution : les hiérarchies sociales y sont momentanément suspendues, chacun y est le « double » et le rival de chacun, la violence réelle ou simulée (danses rituelles symétriques, jeux et affrontements sportifs, puis jets d’objets divers : poisson, farine) s’y transforme peu à peu en hystérie collective, jusqu’à ce qu’on brûle le « bonhomme carnaval », ou son équivalent, avant de retrouver, le lendemain, les hiérarchies, les structures et l’ordre habituel de la société : un ordre hiérarchisé, différencié, stable.
La fête résulterait donc d’une canalisation et d’une transformation d’une violence sociale potentiellement chaotique en violence ritualisée. Mais la fête n’est pas la seule forme culturelle créée par la régulation de la violence. A partir de rites sacrificiel « participatifs » et im-médiats tels que le Carnaval, où la foule, active, rejoue corporellement la crise originelle, se développent des rites « spectaculaires » médiatisés tels que le théâtre, où la foule, passive, assiste à une cérémonie dans laquelle des acteurs (des prêtres sacrificateurs à l’origine), rejouent une crise de plus en plus déformée et « fictionalisée » par le souvenir d’un mythe jamais fixé, et se prêtant dès lors à toutes les réécritures. Le passage du rite sacrificiel participatif au rite spectaculaire repose sur la possibilité de la catharsis par procuration, grâce au processus d’identification et à la fascination que suscite le spectacle violent. Comme le note Ramond,
La communauté se reforme […] autour des sacrifices rituels qui dans toute religion archaïque donnent un sens au rassemblement : lors de la cérémonie, […] chacun écoute la voix du prêtre, chacun commet par procuration le meurtre rituel, et fait couler le sang de la victime… Pourvu qu’ils évoquent cette violence, les « spectacles » seront donc propres également à transformer la foule en public, et donc en communauté, qu’il s’agisse du spectacle public des exécutions capitales, des jeux du cirque avec massacres bien réels, ou même du théâtre et du cinéma.
De même que les rites sacrificiels « participatifs » débouchent, à force d’être répétés, sur le carnaval et autres formes festives, les rites « spectaculaires » tendent également à se « carnavaliser », les spectacles théâtraux violents se transformant, avec le temps, en spectacles comiques et burlesques tels que la Commedia dell’arte italienne ou la Pantomime anglaise. Mais la violence originelle de la fête (son modèle sacrificiel) ne disparaît jamais complètement. Le rire, caractéristique principale du carnaval, est toujours ambivalent et, dirigé vers une victime émissaire (clown, fou du roi et, plus proche de nous, Charlot), il constitue un substitut du sacrifice. Comme le note Claude Chastagner, « Elias Canetti fait remonter à la préhistoire son rapport à la violence : « on rit au lieu de manger l’homme » (237). Rire de quelqu’un, le ridiculiser, c’est l’exclure du groupe des rieurs ». De multiples spectacles populaires tels que le Punch and Jody show, le théâtre de Guignol et, au cinéma, les séries burlesques comme The Three Stooges et Tom and Jerry, témoignent des liens (irréductibles) entre violence et rire cathartique.
Parce que même le rite le plus purifié garde encore en lui des traces de la violence originelle, l’opération rituelle est toujours fragile, et sa résolution cathartique jamais garantie. Susciter la violence virtuelle, c’est prendre le risque de voir ressurgir une violence réelle. Girard nomme « crise sacrificielle » ce qui se passe lorsque, pour telle ou telle raison (épidémie, renversement politique, guerre, etc.), le rite se met à dysfonctionner. Une crise sacrificielle équivalant à la crise mimétique se produit alors. Comme l’a souligné Gil Bailie :
Lorsque les rituels sacrificiels d’une culture donnée « fonctionnent », ils transfèrent les antagonismes réciproques sur un individu unique contre lequel tout le monde se rassemble, ce qui apaise les tensions comme par miracle, et les remplace par du lien social. A l’inverse, lorsque les modalités sacrificielles ne réussissent pas à produire ce mélange d’harmonie et de droiture morale, les rivalités s’enveniment et le tissu social commence à s’effilocher, […] entraînant une exacerbation des tensions sociales .
Lors de ces crises, la fête, rite sacrificiel stabilisé, renoue avec ses origines dans la violence réciproque, contagieuse, destructrice, et avec le lynchage spontané. C’est ce qui se passe dans les Bacchantes. La non-différenciation fraternelle de la bacchanale glisse, au moment où la danse, la musique et l’extase sont à leur comble, dans l’indifférenciation furieuse de la meute tueuse, transformant le citoyen enivré en lyncheur cannibale. C’est ainsi que se comprend l’ambivalence de Dionysos, qui n’est le dieu de la fête et du vin que pour être d’abord le dieu de l’indifférenciation violente, puis de la foule furieuse avide de chair humaine.
De nos jours il arrive que, lors des crises sacrificielles, les fêtes retombent dans la violence, mais cela arrive beaucoup plus rarement que par le passé, notamment parce que les sociétés modernes ont développé des barrières sacrificielles (les écrans de cinéma et de télévision entre autre) qui encaissent en partie le poids de la violence ou l’exorcisent par la multiplication d’actes de violence virtuelle. En revanche, mais il fallait s’en douter, ce qui augmente, ce sont les fêtes qui tournent mal dans la fiction, comme dans le film de De Palma Dionysus in 69’, équivalent moderne des Bacchantes, et dans de nombreux films de la période. La ténébreuse démence de Dionysos court-circuite ainsi la plupart des manifestations carnavalesques figurant dans les films d’horreur des années 60-70. Au lieu de tenir la violence en échec en lui fournissant un exutoire, les fêtes représentées dans ces fictions la précipitent, l’emballent et la déchaînent. Afin de mieux rendre compte de ce phénomène, il nous faut maintenant l’appréhender dans son contexte historique. L’Amérique entretient en effet des rapports particuliers avec l’héritage festif européen qu’il faut mettre en lumière.
De la fête en Amérique
Le puritanisme, dont les sédiments sont encore si prégnants dans l’imaginaire américain, a dès ses origines exprimé son aversion pour les rites catholiques, véritables palimpsestes derrière la surface desquels nombre de pratiques « païennes » alors célébrées par la paysannerie anglaise avaient trouvé refuge. Aux yeux des Puritains, le carnaval et ses manifestations diverses incarnent le comble du paganisme et de l’immoralité. Il en va de même pour le théâtre et, de façon plus générale, pour toutes les formes de spectacles populaires. Ironie du sort, l’Amérique, terre d’élection du Puritanisme, se révèle bien vite hantée par la présence abjecte de Dionysos. La wilderness, nature sauvage et mystérieuse, est perçue comme le royaume de l’Antéchrist, et les indigènes comme des « hommes transformés en bêtes » ou les « esclaves nus de Satan ». En outre, la plupart des minorités ethniques et religieuses expatrient leurs propres fêtes dans le Nouveau Monde. Les Puritains n’auront dès lors de cesse de restreindre les différentes festivités, entre autres les célébrations d’Halloween et de Noël, fêtes anarchiques et violentes (l’alcool y occupe une place prépondérante) et qu’il faut tempérer, en les transformant en fêtes pour enfant par exemple. L’auteur de The New English Canaan Thomas Morton, qui désire réinstaurer les célébrations de Mai dans sa colonie de Wollaston et invite les Indiens à ses fêtes orgiaques, est condamné par les autorités Puritaines et sommé de retourner en Angleterre où il est jugé en 1627. La fête dionysiaque, qui menace les fondations puritaines de l’Amérique, est le bouc émissaire monstrueux à expulser, encore et encore.
Déchirée entre le désir d’être fidèle à l’idéologie Protestante (pression religieuse) et la fascination que suscite une nature exacerbée où se détache la figure altère et libidinale de l’Indien, partagée entre l’attirance pour tout ce qui relève de la pulsion et une retenue toute Puritaine, l’Amérique génère une culture schizophrénique. La répression des fêtes n’empêche pas celles-ci de proliférer, mais ces résurgences sont toujours entachées d’un sentiment de culpabilité. Constamment refoulé, privé d’espace carnavalesque où s’exprimer, l’imaginaire dionysiaque resurgit dans la culture populaire, notamment dans les « récits de captivité » décrivant avec complaisance les supplices et les tortures infligées aux colons capturés par les Indiens. En nourrissant l’idée d’une persécution perpétuelle et en représentant les Indiens comme des sauvages à éradiquer, ce genre littéraire, ancêtre de la fiction d’horreur contemporaine, ancre dans l’imaginaire collectif américain une peur irraisonnée et paranoïaque de l’Autre qui permettra, entre autre, de justifier les attaques sur les Indiens, (justification nécessaire à l’expansion impérialiste). Cette culture populaire, dénigrée par la culture officielle – comme le film d’horreur aujourd’hui –, joue également une fonction de cohésion sociale qu’ont bien du mal à remplir les fêtes sanctifiées par l’ordre moral. Ce qui fédère une nation, c’est en effet, avant une histoire commune ou un texte sacré (Bible, constitution, déclaration des droits de l’homme), le sang versé par les membres de cette nation, ou le spectacle de la souffrance infligés à ceux-ci. Privée de véritables martyrs, l’Amérique Puritaine pallie ce manque en multipliant les représentations de corps américains torturés. Cette littérature, qui sera déclinée dans les magasines pulps, permet ainsi au lecteur de se repaître du spectacle cannibale du corps martyrisé des membres de la communauté tout en rejetant le blâme sur les Indiens, les étrangers ou les criminels patentés, boucs émissaires dont la fonction dans la fiction est de sacrifier d’autres boucs émissaires, formant un circuit de la violence dont l’Amérique ne s’est toujours pas extraite s’il faut en croire la récente vague de torture movies (Hostel, Saw 2, Turistas, le remake de The Texas Chainsaw Massacre, etc.), corollaires fictionnels des tortures médiatisées dans les prisons d’Abu-Graïb.
Au XIX° siècle, nombre de spectacles populaires comme le freak show, le Wild West show et le cirque, commémorent (tout en masquant) les fondations sacrificielles d’un pays qui s’est constitué sur l’extermination d’un peuple (le génocide Indien) et la soumission d’un autre à l’esclavage. Dans ces rites festifs « spectaculaires », l’expulsion de boucs émissaires (l’Indien du Wild West show, le monstre du freak show) est rejouée pour sanctifier l’ordre établi et les relations hiérarchiques dominantes, c’est-à-dire pour réaffirmer et consolider le statu quo en préservant et en instrumentalisant l’image de la barbarie. Le cinéma des premiers temps, qui émerge au sein de cette culture foraine, n’échappe pas à la règle, les grands genres hollywoodiens se structurant autour de la réaffirmation du statu quo. C’est notamment le cas du western. Alors que la Guerre Civile a profondément ébranlé la cohésion sociale, ramenant sur le devant de la scène le spectre du lynchage spontané et du sacrifice humain dans les états sudistes, le western fédère les spectateurs américains autour d’une répétition nostalgique du « mythe de la Frontière » et de l’expulsion rituelle d’un ennemi commun qui, depuis longtemps déjà, ne constitue plus une menace : l’Indien.
Le mythe de la Frontière, qui a résisté aux nombreuses crises socio-économiques traversées par une Amérique qui se transforme en un siècle en une gigantesque puissance industrielle, est durablement court-circuité par la crise de 1929. Comment croire encore à l’image d’une Amérique conquérante lorsque des milliers d’américains se retrouvent au chômage ? Le film fantastique, qui émerge avec le Dracula de Tod Browning (1931) au lendemain du krach boursier, aura pour fonction de servir d’exutoire à la crise et de réinstaurer du « différencié » à travers l’expulsion cathartique de boucs émissaires monstrueux. Le film fantastique légitime la pratique du lynchage (le monstre de Frankenstein est brûlé par une foule furieuse à la fin du film de James Whale) tout en la masquant par l’alibi de la fiction gothique (il s’agit d’adaptations de récits fantastiques britanniques), stratégie qui permet aux spectateurs de continuer à éprouver les vertus cathartiques d’une pratique fermement condamnée par l’opinion publique grâce à l’action cumulée de la NAACP et de plusieurs grands quotidiens.
De la même façon que le rite sacrificiel crée du festif à force de ritualisation, les premiers films fantastiques donnent lieu à des séquelles qui, en ritualisant la violence des premiers opus, font émerger des formes carnavalesques. Ainsi, dans Frankenstein Meets the Wolfman (1943), les paysans entonnent un hymne dionysiaque au vin avant de partir lyncher le monstre. Les Universal Monsters deviennent, au fur et à mesure des épisodes, d’inoffensifs épouvantails, comme en témoigne leur traitement parodique dans la série des Abbot and Costello, leur récupération dans des revues telles que Famous Monsters of Filmland, leur transformation en jouets dans des kits à assembler pour enfants (les modèles Aurora entre autre), ou en masques portés par les enfants pour Halloween. La chanson de Bobby Picket The Monster Mash, qui devient dans les années cinquante un classique d’Halloween, atteste assez la carnavalisation du genre. De 1930 jusqu’à la fin des années cinquante, le film fantastique transforme la violence de l’Histoire américaine en violence ludique, faisant du genre l’équivalent cinématographique du train fantôme. Dans le même temps, le genre, jouant un rôle traditionnellement dévolu au western, réinjecte du mythe et du sacré dans le tissu social. On le sait, l’expulsion des monstres a toujours fédéré les individus.
La révolution contre-culturelle : de la fête au chaos
Jusque dans les années 1950, l’Amérique parvient avec plus ou moins de succès à fabriquer des mythes qui, en tenant le réel à distance, masquent les dissensions internes du pays. L’ennemi communiste, expulsé par le biais de ses incarnations monstrueuses dans le film de science fiction, dissimule ainsi par son aspect grandiloquent les dysfonctionnements des institutions américaines et les profondes inégalités sociales. Les sixties portent un coup fatal à cet écran mythologique. Le conflit vietnamien innerve la société américaine et suscite la révolte. La jeunesse se rebelle contre l’autorité et les structures étatiques et familiales. Ce qui avait été refoulé jusque là, notamment les voix des minorités (ethniques, sexuelles), émerge pour prendre la parole. C’est l’époque des émeutes dans les ghettos, de la lutte pour la reconnaissance des droits civiques, de la protestation étudiante, de la contre-culture. C’est aussi l’émergence des mouvements hippie et « freak », illustré par les photos de Diane Arbus et la ressortie de Freaks (1930) dans les salles. Les « flower children » , se méfiant des systèmes organisés, embrassent l’idéal communautaire. L’American way of life, matérialiste, des fifties, fait place à l’Indian Way of Life. Consommation de susbstances, cheveux longs, retour à la nature, l’ensauvagement, cette peur ancrée au plus profond de la psyché américaine, est à l’ordre du jour. Il en va de même pour la subversion et le dérèglement, à commencer par le dérèglement de toutes les institutions incarnant l’ordre, la loi, l’autorité. Les interdits tombent, laissant place à de nouvelles libertés. L’usage des drogues, la libération sexuelle et la nouvelle musique créent une atmosphère orgiaque. « L’extase dionysiaque, écrit André Kaspi, est […] à l’ordre du jour ». L’ombre du dieu de la fête plane sur la décennie. Mais Dionysos n’est le dieu de l’ivresse que pour être d’abord celui de la violence indifférenciée, et se débarrasser des structures rituelles qui, par le spectacle de la violence, sont garantes de l’ordre sacrificiel, c’est prendre le risque de retomber dans le chaos…
Comme dans Les Bacchantes, les manifestations festives des sixties deviennent vite chaotiques. La bacchanale de la contre-culture, porteuse d’idées révolutionnaires, se fait véhicule de la violence, répandant celle-ci comme une épidémie de peste. Les protestations contre la guerre au Vietnam tournent à l’émeute, les assassinats politiques, en particulier celui du président Kennedy pendant une parade festive, court-circuite l’espoir d’un changement, et le rêve utopique (Camelot) cède la place au cauchemar. La violence devient la caractéristique principale de ce qui avait été largement une révolution culturelle pacifique. Au festival « peace and love » de Woodstock succède le festival mortifère d’Altamont au cours duquel le rituel régulé du concert bascule dans le chaos. Le mouvement hippie est grotesquement parodié par Charles Manson et son groupe de satanistes qui commettent plusieurs meurtres atroces dont celui de Sharon Tate, qui venait de tourner dans Eye of the Devil (1967), un film gravitant autour de sacrifices rituels, et de « Shorty », cowboy décapité et dépecé en neufs morceaux, « comme dans un rituel dionysiaque » précise Denis Duclos. Cette violence, disséminée à la télévision et dans les journaux, envahit les foyers. Entre deux épisodes de la série de Walt Disney sur Davy Crockett, images porteuses de violence sacralisée, viennent se nicher des images puissamment démystificatrices (le film d’Abraham Zapruder sur l’assassinat de JFK, les actualités du Vietnam), générant une confusion des plus mortifères. En 1970, le massacre de l’Université de Kent, où les forces armées tirent sur des étudiants, vient entériner le retour de la barbarie qui, dans l’imaginaire américain, a toujours revêtu le visage de l’Autre, mais qui revêt ici celui du même. « Saturne est en rétrograde » annonce Pam dans The Texas Chainsaw Massacre (1974). L’Amérique, sacrifiant ses enfants au Vietnam, revêt soudain les traits monstrueux de l’ogre des légendes. Le cannibalisme, qui envahit les écrans, renvoie au pays le miroir de sa propre violence. Night of the Living Dead (1968) montre ainsi une société dont le système sacrificiel s’est emballé et qui plonge dans l’indifférenciation absolue, des citoyens « civilisés » se trouvant soudain pris d’un violent désir de chair humaine, renouant de la sorte avec la sauvagerie dionysiaque.
Crise sacrificielle et rites dysfonctionnels
Les protections mythologiques d’une nation dépendent du bon fonctionnement de ses mécanismes sacrificiels, c’est-à-dire de sa capacité à trouver ou à imaginer des boucs émissaires suffisamment coupables (monstrueux) pour fédérer les individus et produire le sacré, sentiment religieux qui résulte des retombées cathartiques de l’acte de violence collective. Lorsqu’est révélée l’innocence des victimes rituelles, et par conséquent la culpabilité réelle des foules, ces victimes ne peuvent plus prendre sur elles la violence du groupe, leur persécution ne génère plus de sacré. Le sacrifice perd alors toute efficacité pacificatrice, réconciliatrice, ou structurante. C’est cette évolution ou plutôt cette révolution, résumée ici de façon très schématique qui, dans le cinéma américain des sixties, fait sortir le train fantôme (la fiction fantastique) de son circuit et, par la ritualisation de ce déraillement, donne naissance au film d’horreur, manifestation générique enregistrant le surgissement de la violence désacralisée (le cannibalisme, le lynchage spontané) dans la violence ritualisée (la fête). En effet, comme on vient de le voir, dans les années 60-70 les minorités sont sur le devant de la scène politique, et les étudiants, protestant contre le sacrifice inutile des soldats américains au Vietnam, montrent un véritable souci des victimes. Dans le même temps, l’Amérique fait son mea culpa et reconnaît à la plupart des boucs émissaires sur lesquels se sont érigés ses mythes (Indiens, noirs, Mexicains…) leur statut de victime. Or, sans bouc émissaire susceptible de prendre en charge la violence de la communauté, celle-ci, traditionnellement expulsée par le sacrifice, est redistribuée parmi les membres de la société et désagrège le tissu social. Privée des boucliers que constituent les mécanismes sacrificiels, l’Amérique s’enfonce dans une violence qui se répand d’autant plus vite que la société multiplie des occasions carnavalesques (manifestations, parades, etc.) où le mimétisme est à son comble. Mais la violence, réelle, de la crise, est en partie absorbée et tempérée par les écrans de cinéma et les fictions filmiques. Cette absorption provoque la crise du récit classique tel que traditionnellement régi par les codes hollywoodiens garants de l’ordre sacrificiel. Le film d’horreur n’est rien d’autre que la version catastrophique (c’est-à-dire profane) du film fantastique, et le symptôme limpide d’un dysfonctionnement des mécanismes sacrificiels. Le film d’horreur, c’est ce qui arrive lorsque le film fantastique ne « fictionne » plus (ne génère plus de fiction, de mythe), lorsque la machine à produire du récit que constitue le rite sacrificiel s’enraye. Nombre de films d’horreur des années 60-70 gravitent autour de pratiques rituelles sacrificielles qui ressurgissent –mais privées de leur vertus régénératrices- dans l’Amérique moderne. Dans Blood Feast (1963), un mystérieux cuisinier égyptien pratique des sacrifices humains afin de satisfaire l’appétit de la déesse Ishtar dont l’autel trône à l’arrière de sa cuisine. Le film met en parallèle une fête ritualisée et ludique (l’anniversaire d’une fillette pour lequel le cuisinier/sacrificateur prépare un repas) avec une fête archaïque dont la violence n’est pas générative mais pathologique. Une fête sacrificielle figure également dans 2000 Maniacs (1964), où une petite ville du Sud célèbre un festival commémorant la fin de la guerre de Sécession. Mais la cérémonie inverse la résolution du conflit. Au terme de la cérémonie, les touristes nordistes qui ont été déviés de leur chemin, capturés et faits « hôtes d’honneur » du festival, sont torturés et lynchés.
Gil Bailie a souligné la nature apocalyptique du rite sacrificiel en période de crise. Westworld (1973) et Tourist Trap (1979) illustrent ce qui se passe lorsqu’une société continue d’avoir recours à des sacrifices alors qu’ils ne « fonctionnent » plus. Ces deux films ont pour cadre des parcs d’attraction inspirés par la mythologie de l’Ouest (le western cinématographique avec Westworld et ses références à The Magnifient Seven ; une reconstitution de la lutte entre le général Custer et Sitting Bull à la bataille du Little Big Horn dans Tourist Trap). Cette mythologie bascule dans le chaos lorsque des automates programmés pour reproduire des actes perpétuant le mythe se dérèglent, la violence ritualisée et virtuelle du simulacre débouchant sur une violence réelle (la mort des personnes visitant le parc d’attraction).
Conclusion
« Peu de fictions racontent la fin du propriétaire du train fantôme », écrit Denis Duclos :
Le film d’horreur des années 60-70 aurait pu être de ces fictions. Privés en apparence de l’expérience cathartique du « fantastique », c’est-à-dire du rite sacrificiel voilé par le filtre de la fiction, les spectateurs auraient pu quitter la salle pour dépecer et dévorer ceux qui, traditionnellement, leur fournissent leur livre de chair humaine en diffusant les mythes, comme le drogué s’en prend à son fournisseur de drogue lorsque ce dernier ne peut plus lui fournir sa substance. Mais l’irruption de cette violence dionysiaque ne se produit pas, bien au contraire. S’il faut en croire le succès du genre auprès des adolescents et des jeunes adultes, le film d’horreur occupait une place majeure dans les rites festifs de l’époque et constituaient, pour les propriétaires de train fantômes (les producteurs et distributeurs de film d’horreur et, dans une moindre mesure, les auteurs), une source de profit inépuisable. William Paul a d’ailleurs souligné l’atmosphère proprement carnavalesque qui régnait dans les salles lors de la projection de ces films, indication du plaisir pris par les spectateurs, bien éloignée de la lassitude qui, selon Duclos, guette tôt ou tard le public blasé.
Afin de rendre compte de ce plaisir pour le moins paradoxal, de nombreux critiques ont mis en avant la dimension subversive du genre, à l’opposé d’un cinéma fantastique classique qui serait plus conservateur voire réactionnaire. Selon cette thèse, le spectacle du dysfonctionnement du train fantôme serait jouissif pour une jeunesse américaine ayant grandi dans le conformisme ambiant des années cinquante et qui désirait rompre avec les mythes de leurs ancêtres et se délester des carcans de la violence sacrificielle. Cependant, comme nous avons essayé de le montrer, le film d’horreur est moins subversif qu’apocalyptique ; il critique moins les tares de la société américaine contemporaine qu’il n’enregistre, de façon aussi bien diégétique que formelle, l’écroulement des mythes sur lesquels cette société s’est érigée.
Mais, et c’est peut être là qu’il faut chercher la clé du succès du genre, rien ne dit que cet écroulement empêche le public de consommer ces films de façon « traditionnelle ». Il faut ici distinguer le rite sacrificiel représenté dans la fiction, de l’effet que procure la vision de ce dysfonctionnement une fois projeté à distance et ritualisé. En effet, le spectacle du déraillement du train fantôme (le film fantastique carnavalesque) ne remet pas en cause le fonctionnement du train fantôme qui le met en scène (le film d’horreur) et ne met pas un terme au plaisir de la fiction. Le chaos du film d’horreur des sixties est de toute évidence de l’ordre du simulacre, de la même façon que les Bacchantes relève du spectacle de la catastrophe et non d’une catastrophe réelle. En outre, s’il est clair que les tortures représentées dans les films sont dénoncées comme des travers pathologiques, rien ne dit que le spectateur ne peut, dans l’ombre de la salle, être moralement en phase avec cette dénonciation tout en continuant consciemment ou inconsciemment à jouir du spectacle de ces violences et éprouver une forme de catharsis individuelle. Le plaisir du film d’horreur serait alors de même nature que celui pris à la lecture des captivity narratives du XVII° siècle. Le cadre religieux qui enrobait la lecture de ces récits diffère en apparence du cadre profane dans lequel se pratique la consommation du film d’horreur, mais en apparence seulement, car l’aspect religieux du récit de captivité était moins généré par l’idéologie Puritaine environnante (idéologie reposant sur une théologie mettant en avant le corps expiatoire en souffrance, dont le modèle est celui du Christ) et les turpitudes morales des martyrs, que par la représentation de la torture d’un bouc émissaire, et donc la possibilité pour le lecteur de participer à un lynchage par procuration (fondement du rite sacrificiel), ce qui explique pourquoi ces récits gardent tout leur pouvoir de fascination aujourd’hui. Dans le même ordre d’idées, on sait aujourd’hui que, plus que les sermons prêchés dans les églises, les représentations picturales de la Passion du Christ, autrement dit de sa persécution aux mains d’une foule de lyncheurs, ont activement contribué à consolider l’emprise de la religion chrétienne au Moyen âge et à la Renaissance, en particulier les représentations qui montraient ces tortures de la façon la plus explicite et graphique possible.
Le film d’horreur des années 60-70 a beau chroniquer la désacralisation de la violence d’un point de vue diégétique, il est fort probable que le spectacle du cannibalisme, de la torture, et du lynchage, qui constitue le programme de Night of the Living Dead, Blood Feast ou 2000 Maniacs, produise une fascination et une terreur proche du sacré chez le spectateur. Ceci explique peut-être pourquoi le public de l’époque, fasciné par le spectacle violent projeté sur l’écran, n’a pas dévoré le propriétaire du train fantôme. Comment se serait-il lassé de ces spectacles qui, alors que la crise désagrégeait les structures sociales, permettaient, tout en répercutant dans la fiction les ravages de cette crise, de continuer à jouir du spectacle du corps torturé de boucs émissaires, spectacle cathartique s’il en est ? Que cette consommation ait lieu, comme dans le film fantastique, à l’ombre des grands mythes gothiques, ou à la lumière aveuglante du soleil texan comme dans The Texas Chainsaw Massacre, ne change rien à l’affaire : tant que le propriétaire du train fantôme continuera à offrir des victimes expiatoires à l’appétit cannibale du public, celui-ci ne le dévorera pas. « On ne peut tromper la violence que dans la mesure où on ne la prive pas de tout exutoire, où on lui fournit quelque chose à se mettre sous la dent », écrit René Girard. Mais le propriétaire du train fantôme, comme tous les forains, connaît trop bien son métier pour se laisser dévorer. Depuis longtemps déjà, il vient dans la nuit, avec son cortège bariolé de clowns au sourire carnassier et de bêtes sauvages, installer ses attractions fascinantes aux marges des petites villes endormies, avant de repartir au lever du jour, comme l’inquiétant carnaval de Mr Dark dans Something Wicked this Way Comes de Ray Bradbury. Pourtant, le vacarme de la fête ne saurait dissimuler la musique des flûtes de Pan qui résonnent dans le lointain, comme une mélodie entêtante seulement perceptible quand s’estompent les hurlements assourdissants provenant du train fantôme. Et l’odeur enivrante de la foire ne saurait masquer les relents pestilentiels qui montent de la terre foulée par les pieds des forains lorsque ceux-ci s’éloignent au crépuscule. Cette odeur rappelle celle du vin pressé par les mains enfiévrées des bacchants, et celle du sang qui s’écoule des abominables autels en pierre noire dressés dans les ténèbres monstrueuses des temples païens, pour satisfaire l’appétit bestial de quelque obscure et hideuse divinité cannibale. C’est l’odeur fauve du bouc sacrifié et sacrificateur. L’odeur de la bête qui rôde dans l’ombre. Dans It de Stephen King, cette bête est un clown grimaçant du nom de Grippe-Sou. Dans la mythologie grecque, on l’appelle Dionysos.
« La tempête nous a balayé, moi et tout le cirque, répondit Grippe-Sou. Ne sens-tu pas l’odeur de cirque, Georgie ? » Georgie se pencha. Ca sentait les cacahuètes, les cacahuètes grillées ! Et le vinaigre, ce vinaigre blanc que l’on verse sur les frites d’une bouteille avec un petit trou ! Ca sentait aussi la barbe à papa et les beignets frits, tandis que montait, encore léger mais prenant à la gorge, l’odeur des déjections de bêtes fauves. Sans oublier celle de la sciure. Et cependant… Et cependant, en dessous, flottaient les senteurs de l’inondation, des feuilles en décomposition et de tout ce qui grouillait dans l’ombre de l’égout. Odeur d’humidité et de pourriture. L’odeur de la cave. »
Stephen King, It
Florent Christol
Mes remerciements vont, pour des raisons aussi bonnes que diverses, à Tara Smithson, Adrien Lherm, Yves Figueiredo, Pierre Lagayette, Frank Lafond, Claude et Florence Chastagner, et à mes parents. « Special thanks » à Gilles Ménégaldo et à Melvyn Stokes, pour leur infinie patience.
Bibliographie sélective
Bakhtine, Mikhaïl, L’ Oeuvre de François Rabelais et la culture populaire au moyen âge et sous la renaissance. Paris : Tel Gallimard, 1970.
Bailie, Gil, La Violence révélée. L’humanité à l’heure du choix. Paris : Climats, 2004.
Duclos, Denis, Le Complexe du Loup garou : la fascination de la violence dans la culture américaine. Paris : La découverte, 1994.
Girard, René, La Violence et le sacré. Paris : Hachette, 1972.
Guillaud, Lauric, La Terreur et le Sacré, La nuit gothique américaine. Paris : Michel Houdiard, 2003.
Otto, Walter F., Dionysos, le mythe et le culte. Paris : Gallimard, 1969.
Thoret, Jean-Baptiste, Une Experience américaine du chaos: Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper. Paris : Dreamland, 1999.
Twitchell, James B, Preposterous Violence, Fables of Agression in Modern Culture. Oxford : Oxford University Press, 1989.
NOTES :