samedi 15 janvier 2011

Appel à contribution : Séries télévisées : sens et motifs de la récurrence, 16 septembre 2011, Université Paris-Sorbonne


JOURNEE D'ETUDE SERIES TELEVISEES : SENS ET MOTIFS DE LA RECURRENCE

Date limite de l'appel à contribution le 30 mars 2011

Cette journée d'étude se tiendra le 16 septembre 2011 à Paris-Sorbonne


Comment parler des séries télévisées sans s'interroger sur leur sérialité ? Commenter et analyser leurs personnages, leurs thèmes et leur mise en scène ne prend tout son sens que dans une réflexion plus globale et plus profonde sur le genre sériel. La récurrence est en effet constitutive d'une série : c'est par elle qu'une série prend forme et fait sens. La polysémie du mot le confirme : une série est, au premier sens du terme, un ensemble composé d'éléments de même nature ou ayant entre eux une unité. De plus, la production des séries tient elle-même de la production en série : elles sont produites à et pour la chaîne. Leur format est ainsi intrinsèquement répétitif. La question est donc la suivante : qu'est ce qui fait inlassablement son retour dans les séries télévisées et comment ce retour du même s'opère-t-il ? Le retour désigne aussi la ruse et l'artifice : comment alors démêler les retours des séries télévisées ? La récurrence n'est pas seulement un motif, broderie sur le tissu du texte visuel. Elle est la raison d'être de la série télévisée. On peut en effet difficilement imaginer une série qui mettrait en scène un groupe d'acteurs différents dans un environnement changeant d'un épisode à un autre. De nombreuses pistes de réflexion sont ainsi envisageables:


- Que se passe-t-il lorsque la récurrence fait défaut ? On pense par exemple à Felicity, dont l'héroïne s'aliéna une grande partie du public lorsque l'actrice décida de changer de coupe de cheveux. S'intéresser à la sérialité nous pousse donc à éclairer les séries télévisées à la lumière de leur réception. Quels sont les moyens imaginés par les producteurs et autres scénaristes pour faire durer leur série ? Y parviennent-t-il ? Quelles furent les conséquences de l'utilisation du fast forward dans Desperate Housewives ou dans One Tree Hill par exemple ?


- Plus généralement, quel rôle jouent les fans dans la production de leurs séries télévisées préférées? S'ils interviennent parfois pour les sauver, avec plus ou moins de succès (Family Guy, Arrested Development, Veronica Mars, Roswell, Jericho, etc.), les fidèles téléspectateurs peuvent aussi obtenir qu'un personnage disparaisseou qu'il devienne un personnage récurrent. On pourra également étudier la question de la récurrence en creux et s'intéresser aux séries qui n'ont jamais su ou pu trouver leur public, annulées après un ou deux épisodes (Viva Laughlin, Emily's Reasons Why Not, The Beautiful Life, etc.) ou avant même la diffusion du pilote (Pretty Handsome, Secrets of a Small Town, etc.).


- La notion de franchise attirera également toute notre attention. Une série peut en effet donner naissance à une autre, appelée spin-off, peut elle aussi, forte de son succès, se décliner sous une autre forme. Une véritable mythologie peut alors s'élaborer, comme dans le cas de Buffy The Vampire Slayer, Stargate SG-1 ou encore Battlestar Galactica par exemple. Et que dire de CSI ? Le sémantisme du mot spin-off nous invite d'ailleurs à envisager la production de séries télévisées comme une entreprise arachnéenne. Se tissent alors des liens entre les différentes séries, dont les intrigues peuvent s'entrecroiser avec un éventuel crossover, mais aussi entre les fans eux-mêmes. Une telle communauté ne saurait naître sans un certain sens de la continuité.


- C'est également toute une équipe de production – producteurs, réalisateurs, scénaristes... – que l'on pourrait envisager d'étudier à la lumière de la récurrence. Qu'ont en commun des séries apparemment différentes mais imaginées par le(s) même(s) créateur(s) ? Reconnaît-on par exemple l'empreinte de Ryan Murphy dans Popular, Nip/Tuck et Glee ? Ne naît-elle pas de la récurrence de certains thèmes et plus encore de certains acteurs, « recyclés » dans de nouveaux rôles. S'établit alors pour le téléspectateur un riche réseau de correspondances.


- Mais tout n'est-il que récurrence dans les séries télévisées ? Quelle est la place de l'inédit dans un genre marqué par la répétition ? L'abus du cliffhanger ne nuit-il pas gravement à la santé d'une série ? Comment innover en matière de série télévisée ? Comment, par exemple, la répétition est-elle paradoxalement source de rebondissements dans 24 et comment, à l'inverse, la nouveauté de chaque épisode de Sliders confère-t-elle à la série son identité ? Le slogan de la chaîne câblée HBO, vivier d'oeuvres avant-gardistes, « It's not TV It's HBO » laisse en effet sous-entendre que les networks américains traditionnels s'accommodent mal de la nouveauté et de la transgression. Il semble en tout cas utile de réfléchir à la tension entre originalité et récurrence qui anime le genre sériel. Le recours à la guest star, vivifiant la série par sa participation exceptionnelle, est à ce titre révélateur. D'autant plus que celle-ci peut finalement devenir un personnage récurrent (comme Heather Locklear dans Melrose Place ou John Glover dans la saison 1 de Smallville par exemple).


- Qu'en est-il du point de non retour qu'atteignent certaines séries télévisées, moment à partir duquel elles ne sont plus que l'ombre d'elles-mêmes ? L'expression imaginée jumping the shark traduit parfaitement cette idée en anglais. Elles ont alors perdu de leur intérêt à cause d'une baisse sensible de qualité. Comment une série peut-elle perdurer sans s'essouffler ? On se penchera sur la dette des séries télévisées envers le genre dusoap opera, matrice d'histoires sans fin.


- La récurrence constitutive de la série télévisée ne serait-elle pas également d'un autre ordre ? Elle pourrait être le retour de la culture dite intellectuelle (high culture) et de ses thèmes ancestraux sous une autre forme. Comme le montre bien Richard K. Simon dans Trash Culture: Popular Culture and the Great Tradition, la culture populaire doit être reconsidérée comme une re-présentation de la culture classique. Il est ainsi possible, par exemple, d'envisager Star Trek comme une réécriture de Gulliver's Travels de Swift.


- D'ailleurs, la série télévisée, de par son genre sériel, ne serait-elle pas par essence kitsch et par-là même postmoderne ? L'amateur de séries télévisées a beau se faire esthète, il n'en reste pas moins un consommateur.


Une réflexion sur la sérialité des séries télévisées est loin d'être tautologique. Elle est bien au contraire épistémologique : elle nous permet en effet de nous interroger sur la nature même de l'objet sériel télévisuel afin de mieux comprendre ce qui le différencie des autres médias, et notamment le roman. On pourra ainsi se référer à l'analyse de Danielle Aubry dans Du roman-feuilleton à la série télévisuelle : Pour une rhétorique du genre sériel (Berne : Peter Lang SA, 2006). Seront privilégiées les études d'oeuvres jugées mineures : des séries oubliées, marginalisées et souvent calomniées. In fine, cette journée d'étude se donne aussi pour but de comprendre en quoi l'expression « culture populaire » n'est pas un oxymore.

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Les séances seront présidées par : Sarah Hatchuel (Université du Havre), Ariane Hudelet (Université Paris VII), Monica Michlin (Université Paris IV) et Georges-Claude Guilbert (Université François Rabelais, Tours).

Les propositions de communication (300 mots maximum) sont à envoyer, accompagnées d'une bio-bibliographie succincte, à Sens.motifs.recurrence@gmail.com avant le 30 mars, délai de rigueur.

La publication d'une sélection de travaux pourra éventuellement être envisagée. Bien cordialement, Eddy Chevalier (PRAG, Doctorant Université Paris IV), Mathias Degoute (Professeur en CPGE, Docteur Paris IV), Virginie Marcucci (Professeur en CPGE, Docteur Université François Rabelais, Tours).


Responsable : Eddy Chevalier, Mathias Degoute et Virginie Marcucci

Pour plus d'informations :
http://www.recurrence.fr

Information publiée sur le site Fabula.org, le dimanche 9 janvier 2011 par Alexandre Gefen (source : Mathias Degoute, pour le comité d'organisation)