Mai-Juin 2008
Organisateurs : Marie-Pierre Jaouan-Sanchez et Marion Poirson
Au sens strict, « la citation » au cinéma désigne l’insertion d’un extrait de film antérieur dans une nouvelle œuvre cinématographique. Cette « greffe », au sens donné par Jacques Derrida à ce terme (Tourner les mots, au bord d’un film), s’effectue de différentes manières ; elle implique la reconnaissance d’une « hétérogénéité au cœur du soi ». Elle peut être diégétisée ( La passion de Jeanne d’Arc, Dreyer, dans Vivre sa vie, Godard) ou pas (La Marseillaise, Renoir, en épigraphe de La sirène du Mississipi, Truffaut). Elle peut être très visible, très audible ou au contraire extrêmement discrète (Triumph des Willems, Riefenstahl dans A Clockwork Orange, Kubrick ; Frankenstein, Whale dans Old Boy, Park Chan-wook). Elle peut constituer un simple « clin d’œil », un signe de distinction, donner lieu à une plaisanterie rapide (Gone with the Wind, Fleming-Selznick dans Twister, De Bont, film catastrophe consacré aux tornades) ou à une satire. Elle peut correspondre à un hommage (Truffaut et Godard, dans les exemples évoqués plus haut, reconnaissaient des maîtres), susciter un choc, provoquer une fulgurance esthétique ou encore produire des effets de sens qui permettront d’envisager un « travail de la citation », pour reprendre le sous-titre de l’ouvrage d’Antoine Compagnon, La seconde main.
La nature même des techniques cinématographiques permet, dans un sens plus large, d’évoquer des citations intermédiales. Des fragments captés dans des œuvres littéraires, théâtrales, philosophiques, musicales, picturales, chorégraphiques, circassiennes, etc. sont insérés dans des œuvres nouvelles. En fonction des différents types de « sources », les processus sont différents, on tentera d’en décrire quelques-uns.
Comment les citations sont-elles identifiables ? Dans le cas des citations littéraires ou philosophiques, l’usage des guillemets constitue parfois un marquage pour les épigraphes (« Chaque époque rêve de la suivante », Jules Michelet, Metropolis, Rintaro), les intertitres, les sous-titrages. Lorsque la citation est introduite dans un dialogue, elle n’est pas toujours aisément remarquée (« So foul and fair a day I have not seen » dans Elephant, Gus Van Sant), de même que dans les titres (La vie est un roman, Resnais). Des situations hybrides existent, par exemple dans The Piano de Jane Campion, les derniers mots de l’héroïne « In the cold grave –under the deep, deep sea » sont rendus à son auteur, Thomas Hood, par une citation écrite à l’écran après le générique de fin. La reproduction d’une peinture (Andrei Roublev, Tarkovski) ou sa reconstitution suffisamment fidèle (La marquise d’O., Rohmer), la représentation d’un extrait de spectacle (La Traviata dans Match Point, Allen), la reprise d’une musique préexistante, peuvent être perçues comme des citations. L’opération comporte parfois quelque rouerie : citation fictive (Cat People, Tourneur-Lewton), citation gigogne (2001, A Space Odyssey, Kubrick ; Les amours d’Astrée et de Céladon, Rohmer), citation oblique (Saraband, Bergman). L’horizon d’attente du spectateur, ainsi que ses compétences, jouent évidemment un rôle majeur dans l’identification. La disponibilité des films en DVD permet des observations beaucoup plus précises que par le passé, ce qui fait qu’il est possible de repérer aujourd’hui des citations inaperçues naguère, d’être surpris.
Quelles sont les différentes formes de l’acte de citation, au cinéma ? Peut-on envisager des types de citation caractéristiques d’un genre cinématographique, de tel ou tel auteur de cinéma, de tel ou tel mouvement ? Est-il possible de tracer quelques lignes d’une histoire de la citation cinématographique ? On pourra suivre les trajets et les métamorphoses d’un même fragment d’une œuvre à une autre, passages. En quoi cet état des choses affecte-t-il les notions d’auteur, d’œuvre ? Nous examinerons de quelle manière et en quelles circonstances les citations constituent parfois, avec force, une matière à penser.
Les propositions de communications sont à envoyer à l’adresse suivante : marie-pierre.jaouan-sanchez@univ-montp3.fr
La date de la journée d’étude sera précisée ultérieurement.
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